Kärcher, racaille et barbus...

Forcément, personne n'est passé à côté des dernières déclarations de Mr Sarkozy, et personne n'a pu ignorer le choc produit par de tels mots. Je ne peux donc pas non plus laisser notre ministre de l'intérieur à l'écart de ce blog sur le langage.
Il ne s'agit pas de porter un jugement sur l'homme, ni de déterminer si ses propos sont à l'origine des émeutes et des nuits chaudes qu'ont connues certaines banlieues ces derniers jours ; En revanche, comme on peut affirmer avec certitude qu'en politique, aucun mot n'est jeté en l'air, par hasard, surtout pas de tels mots, nous allons simplement tenter de comprendre d'un point de vue linguistique, pourquoi Sarkozy a fait ces choix ?

Voir ici la vidéo en question, déjà culte...

Commentaires : Un tel vocabulaire, un tel franc-parler, de la part d'un ministre qui-plus-est, choque indubitablement. Dans le monde de la politique, où s'exprimer sans détours est déjà un fait remarquable, ce choix de mots, cette audace langagière est inattendue.
En effectuant cette démarche, car encore une fois, tout est calculé, Nicolas sarkozy fait tout d'abord parler de lui, ce qui n'est pas une moindre chose. Il renforce son image qui se veut différente, sans les demi-mots, les promesses et les discours opaques habituels ; et il fait ainsi passer son franc-parler pour du "parler franc". Personne n'avait jusqu'à lors osé aborder le délicat sujet des cités et du problème d'ordre évident qui règne dans ces quartiers ; Sarkozy, lui, balance tout en bloc -tant pis pour les amalgames- et se lance dans une guerre contre les "voyous", la "racaille". Fini, les zones de non-droit, l'économie souterraine de banlieue et la délinquance. Le ministre de l'intérieur veut montrer qu'il prend le taureau par les cornes et qu'il n'a pas peur. Le public voit un homme entreprenant et décidé et pense certainement qu'il est fiable et qu'il tiendra ses promesses.

Sauf que... de discours choc en discours choc, tout y passe, les familles nombreuses, les maghrébins, les polygames, les africains, les jeunes, les intégristes, les clandestins, les chomeurs sans volonté de s'en sortir, les dealers, les voleurs, les casseurs... tous sont  mis dans le même panier!
Dans les raisons données à la révolte des habitants de cité, on entend toutes sortes d'inepties mais mr Sarkozy oublie le malaise social, la précarité, le racisme, l'exclusion, l'absence de perspective d'avenir et la "ghettoïsation".
Quant à ce que pourront penser ceux qui n'approuvent pas un tel discours, apparament le ministre ne s'en soucie pas. Il a choisi son camp. Il se range du côté des (soi-disant) opprimés et mènera de front la bataille contre les méchants. Ceci ressemble en effet à une guerre du bien contre le mal, sans plus de fond, sans plus de nuances. Les mots péjoratifs (ou utilisés comme tels, comme "barbus") sont là pour valoriser l'image de Sarkozy, et pour rendre les jeunes banlieusards diaboliques.

Interprétation : Ce stratagème de communication n'inclut ni reflexion, ni causalité, le tout est de se faire entendre et de se distinguer par des propos violents, qui vont interpeller le spectateur qui pourra ensuite adhérer ou condamner, mais ne restera pas indifférent.

Le choc des mots est une redoutable arme rhétorique qui permet, avec des déclarations sans nécessairement de profondeur, de véhiculer une opinion ou de divulguer une idéologie. L'art de s'exprimer n'est pas seulement composé de la maîtrise grammaticale et stylistique de la langue, et ne se limite pas à un vocabulaire recherché et soutenu. Comme on le voit ici, le savoir-faire langagier consiste à savoir apparaître aux yeux de nos interlocuteurs tel que l'on veut être perçu et de les convaincre de ce qu'on leur dit.

Vidéo et citations : www.tf1.fr